MÉLUSINE

La Rivière Aa, 1ère partie

I

Me voici aux portes d'une Amérique sur un chemin verglacé
Comme le chapeau du diable dans les contes
Où il cuit des œufs de serpent célibataires
Avec des pincettes de bronze lourdes comme les bénitiers
Des chapelles de transatlantiques
Où les dévotes du bord vont prier les soirs de tempête
Quand le capitaine vient de tuer son lieutenant
Avec une pointe de compas pour une erreur de gastronomie
Puis a caché le cadavre dans le piano du grand salon
Peste soit de l'imbécile l'instrument jouera faux
Les valses chaloupées que les filles fatales de seconde classe
Réclament chaque soir au maestro groenlandais

J'ai laissé plusieurs villes peintes comme œufs de Pâques
Dans leur paysage en forme de potiron pourri
Avec leurs clochers plus stériles que l'amanite phalloïde
Qui braillent comme des fanfares dans un film muet
Leurs habitants bossus trottinent avec une enclume sur le dos
Aussi affairés que l'éléphant qui cherche un monocle
Dans une poubelle où il ne trouve que des boîtes de camembert
D'où sortent des moineaux sans pattes
Poursuivis par des serpents plats comme la bretelle
D'un soutien-gorge vide

J'ai rencontré le fou singulier qui veut tuer le temps
Il guette aux carrefours pourvu d'un arsenal perfectionné
Réchaud à alcool de guêpe pistolet à dépression mitraillette balsamique
Arc zygomatique poissons volants à queue prenante
Chèques sans provision tirés sur des banques éponymes
Dix-huit autres dispositifs pièges ou accordéons
Sont en réserve dans le chariot en forme de vélodrome
Qu'il traîne après soi et où il dort dit-on la nuit
Son vêtement de plumes d'autruche fait rire les enfants
Son profil de général qui va manger la grenouille
Répugne aux amoureux mais n'interdit pas aux vieillards
De croquer avec lui une gousse d'ail
Les fins d'après-midi de juin quand l'ombre
Sous les arbres est juteuse comme une mariée

C'est le moment de s'arrêter sur le pont
Dont la culée d'aval ressemble à un dindon
Qui vient de rater le dernier métro et cherche
Un frigidaire où cacher sa valise
Pour avoir l'allure d'un chandelier neuf
La culée d'amont plonge ses racines
Dans un terrain aussi sec que le frottement d'un chat
Contre un billet de banque un soir de clair de lune
Mais plus spongieux que la cervelle
Du professeur de rhétorique découvrant au sortir d'un cabaret
Son élève favorite qui pleure sur le trottoir d'en face
Parce qu'un autobus bondé d'hommes chauves
A froissé sa robe qui maintenant a l'air
D'un vol de pinsons dans un tonneau transparent
S'arrêter pour compter les bouteilles vides et les chevelures
De sirènes qui ornent les parapets du pont
Pour se faire à soi-même les poches
Se raser la plante des pieds attraper un papillon
Puis le relâcher en marche arrière
S'arrêter comme une toupie en bois d'ébène
Qui après avoir parcouru les couloirs d'un château bien entretenu
Trouve enfin la cuisine saute à pieds joints
Dans un plat de mayonnaise et s'endort

Les arbres pour un moment sont immobiles
Comme une troupe d'otaries échappées d'un cirque
Que stupéfie le spectacle d'un enterrement
Ils ont cessé de jouer à pigeon vole avec les voitures
De courir sur l'horizon comme des lézards autour d'un bracelet
De jeter des seaux d'eau à la tête des passants
À la façon dont une femme rit pour détourner la colère
D'un époux aussi bête que le tour de France
Qui voudrait l'obliger à mettre un chapeau en feuilles de nénuphar
Pour aller à un concours de tir à l'arc où les oiseaux
Sont remplacés par des œufs à la coque
Alors que tireuse émérite elle attend bien six fois
La récompense du jaune coulant sur son visage
Ils ont fini de jongler avec des édredons et des tabatières
Ils ne peuvent même plus siffler l'air des talons aiguilles
Car ils ne sifflent jamais sans sortir les mains des poches
Pour agiter les coudes comme un pissenlit échappé du panier à salade
Qui taille un crayon rouge
Ils sont debout sur leurs racines
Comme un pâtissier dans un ascenseur
Entrerai-je à l'hôtel du poing fermé
Dont l'enseigne est une comète

La porte tournante attend comme un homme
À pieds palmés dans une parfumerie de luxe
Où les vendeuses en maillot de perles
Sont assises dans des baignoires sabots
Jouant de la mandoline pour qu'il danse
Mais il a peur de heurter les baignoires avec ses palmes
D'avoir mal de pleurer d'enlaidir
Ses cris et sa face de cigare mâchonné
Éloigneraient les clientes qui viennent se faire poudrer les épaules
Il perdrait le seul plaisir d'une vie
Sans plus d'accidents qu'un papier buvard
Collé sur la peau d'un tambour du musée de l'armée

Personne n'aurait envie de se battre avec cette porte
Qui pratique tous les coups permis ou défendus
Le coup de la vipère déguisée en trousseau de clés
Celui du prédicateur derrière une glace sans tain
Chacun l'entend mais se voit parlant lui-même en chaire
Le bedeau profite de ce dédoublement pour délester les portefeuilles
L'opération terminée l'attentif sermonaire
Boucle son discours par un centon de circonstance
Le coup du lampadaire ventriloque qui déroute les femmes seules
Et les fait traiter de cinglées par le commissaire
En vertu du principe des vases communicants
Elles voient dès le second soir un homme de forte stature torse nu
Leur jeter des grappes de raisin muscat qui sifflent à leurs oreilles
Tandis que l'odeur leur poisse au visage
Le coup de la jeune fille qui échappe des morceaux de sucre
Peints en boites d'allumettes chaque fois qu'elle passe
Sur un passage clouté le coup du cendrier
Qui élève des vers à soie dans un verre de lampe
Comme d'autres dessinent sur la nappe
En mangeant du pâté de sauterelle de la main gauche

Le vent se raconte une histoire goutte à goutte
À la manière des femmes dans la rue quand elles sentent
Qu'un homme les regarde alors elles évitent de se retourner
De peur qu'il paraisse lépreux ou que ce soit un prêtre
Portant ombrelle les poches pleines de souris mortes
Elles empruntent l'allure et les gestes vernis de l'abeille maçonne
Quand elle ferme la serrure d'un bahut ancien
Ce qui rend plus voyant ce bord de lingerie oblique sous la robe
Sans comprendre pourquoi elles savent bien que ce cadeau
Même porté par le mauvais œil est oseille sauvage
Pluie d'orage à travers le toit d'une maison en ruine
Choc d'un galet contre un miroir rond
Cadeau sans merci ni partage qui peut grandir
Comme un palmier chez un marchand de vélos
Ou se cacher comme un crocodile le lundi de Pentecôte
Aussi distrait qu'un sabot habité par deux grenouilles le vent
Caresse feu par feu la chevelure de la comète
Qui s'allonge et ondoie fleuve
Égaré dans un paysage dont il n'a pas l'habitude
Les villages surpris sautent d'un pied sur l'autre en jurant
Dans des dialectes oubliés qui feraient la fortune des philologues
S'ils n'étaient pas occupés ailleurs
À enseigner le solfège aux chiens bassets

Il joue avec la porte ou se joue d'elle peut-on savoir
S'il parle du temps elle lance des cerceaux
Faits de serpents qui se mordent la queue
Donne-t-il à manger des moules aux globes électriques
Elle crache des timbres-poste à l'effigie de Staline
S'il va dans son verger cueillir à la main
Les petites pieuvres de poche elle tourne du rouge au blanc
Plus vite qu'un parlementaire bat des ailes et tousse
Comme un portemanteau assoiffé qui chante depuis trois jours
Quand il feint de tourner le dos pour jongler avec son ombre
Elle ouvre un sac de mémoire en peau d'orfraie d'où sortent
Des assiettes à grandes oreilles avec un trou au milieu
Qu'elle lance dans le couloir où elles se changent en savates
Qui se précipitent en hurlant pour effrayer les boniches
Et profiter de leur émoi pour dérober les bonnets à poil du dimanche
Qui attendent comme une règle à calcul sur le dos d'un chat la fin de la semaine
Dans une armoire à coulisse aux pieds de méduse devant laquelle
De jeunes femmes sveltes piétinent des melons
Qui résistent de leur mieux par un air de menuet
Cette cavalcade n'était pas prévue mais la porte
Ne peut même pas vider ou refermer son sac
Qui claque méchamment de la gueule
Comme un cheval arabe qui monte un escalier à vis
En poussant devant lui un piano à queue de renard
Le vent alors brandit ses béquilles en forme d'arc de triomphe
Et peint sur le seuil au cirage vert
Le portrait d'un poisson métamorphosé en jeune fille
Puis se repose un moment roulé comme un cordage
Dans le coffre d'un taxi loué à l'heure

Faut-il ouvrir au couteau baleinier l'écorce velue du dialogue
Trois hectares de silence ne pèsent pas plus
Aux balances de l'espoir qu'une minute d'abandon
Au creux d'une épaule dévoilée comme par inadvertance
Mais le geste attendu rassemble les nacres de l'horizon en boule de voyance
Alors revient le visage de papillon ocellé
Aux couleurs empennées de vague à l'entrée de la grotte
Où le froufrou du liège couronne le tambour des galets
Ses ailes se déploient plus furtives que l'empreinte
D'un pied nu sur le parvis d'un palais en ruines
Au moment où l'orage va éclater et si elles se referment
C'est sur la promesse des miroirs parallèles
Chuchotant la chanson triomphale tu es là
Comme un arbre qui a poussé sur un pont
Une rame de métro égarée dans les gorges du Verdon
Un chimpanzé songeur resté an cinéma après le film
Un orvet endormi sur un livre la tête dans un dé à coudre
Tu es là comme un pavé dans une carafe
Joyeux comme une montgolfière de plâtre
Qui a rencontré un vol de tournevis

Avec la vélocité du cheval de bois qui abandonne son manège
Pour aller jouer au bilboquet dans le laboratoire d’un pâtissier
La porte s’efface et le mur ricane de toutes ses écailles
Qui ressemblent tout à coup à des pièces de monnaie
Qu’une autruche vient de vomir parce qu’un passant l’a traitée d’asphodèle
Richesse pareille à l’équilibre d’une fourchette sur un œuf
Mais bien assortie au sentiment de malveillance que son propriétaire
Manifeste encore par de rapides battements de pied
Propres à briser des flûtes à champagne s’il s’en trouvait à cet endroit
Ou à chasser de son trou le crapaud du seuil si celui-ci
N’était parti la veille pour renouveler sa provision d’épingles à tête de verre
Épingles qu’il offre aux jeunes filles dont la voix bien posée
Lui paraît étrangère au mensonge quand elles viennent lui présenter
Les salutations de leur village puis bavardent un moment avec lui
Agitation aussi puérile que les cris d’une huître qui essaie d’éteindre une lampe à pétrole
Que le signe de croix d’une mégère campagnarde
En direction d'un train qui vient d'entrer dans un tunnel
Peut-être suis-je un peu las ou imprudent pour en juger de la sorte
Qui nous dit que les ondes de la méchanceté
Sans éventrer les toitures ni couper les routes nationales
Ne se répandront pas subtilement pour faire tourner plusieurs lieues à la ronde
Le lait des chattes qui élèvent leurs petits en cachette des hommes
On a bien vu un sac de topinambours étrangler un homard
Un tisonnier héler un taxi pour aussitôt s'engouffrer dans le métro
Une paire de draps simuler un combat à l'épée
Et pas plus tard qu'hier un poteau de mine
Tomber d'un troisième étage sur un oeuf de moineau
Danger ou pas menace ou maléfice
J'entrerai les poings fermés dans l'hôtel où resplendit la comète

Quand le sommeil éclate comme une pastèque rouge entre deux péniches chargées de sel
La musaraigne des églises ourdit ses calculs sans résoudre le problème de la sauterelle et du porte-voix
Les hanaps se renversent dans les vitrines des antiquaires et il en sort
Des violettes à pattes de table tournante qui jouent de la flûte traversière
Elles se répandent dans les rues comme le vin tiré à coups d'arquebuse
Pour célébrer la naissance d'une académie de jongleurs
Elles grandissent à chaque carrefour mais quand elles atteignent
La taille d'une contrebasse elles se transforment en panthères noires
Qui grimpent aux arbres en continuant à jouer de leur instrument
Les enfants cessent de se poursuivre pour applaudir
Puis au lieu de reprendre leur partie se mettent à briser les vitres
Avec la hâte méthodique d'un consul polonais qui mange une langouste
Sur la plate-forme d'un trolleybus à onze heures du matin
Véritable bûcheron de jeu de quilles un fauteuil de rotin poursuit
Un régiment de chaises qui se garent sous des chaudrons sur des escarpolettes
Ou dans les entrailles des rideaux feignant la peur
Tandis que la plus leste grimpée sur une échelle regarde le bellâtre
Avec le sourire d'une fille qui referme ses jambes sur un bouquet d'orties
Si la maison avait un concierge c'est le moment qu'il choisirait
Pour aller à la pêche au canard un moulin à café dans une main un hortensia de l'autre
Des portes scellées à la mousse de chocolat s'ouvrent en sifflant
Comme des choux-fleurs à la clôture du marché
Sur des placards de la profondeur d'un taxi de la Marne
Où des demoiselles de pensionnat peu vêtues
Rient à la manière des vitres quand le soleil grille sa première cigarette
Chaque fois que les branches de houx
Avec quoi elles se peignent l'une l'autre chatouillent leur nuque
L'air sifflé par les portes leur rappelle qu'il est temps de passer leur robe de cuir
À parements d'aubépine de mettre bonnet de coquillage et souliers de cendre chaude
Pour aller au devant des invités qui sont cachés
Derrière des horloges paysannes pleines à mi-corps de gâteaux secs appelés navettes
Ils attendent le déroulement de la fête avec dans les oreilles
Le tintamarre de la machine à polir les pavés
Car ils ont peur d'avaler des sangsues volantes s'ils chantent
De tomber sur un saladier s'ils sautent de table en table
De se faire gifler s'ils offrent dit piment à priser aux dames

Abandonnés à l'entrée d'une carrière de pierre à fusil désaffectée
Plus bavards que cigares dans une boite à ouvrage
Trois douzaines de couteaux de poche survivants
De la dernière explosion religieuse qui a lézardé
Capitales et bourgades non comme un coutre
Éventre une poterie massaliote mais comme une bouse
Écrase un hanneton
Brandissent des écouvillons multicolores déplient
Leurs ailes velues s'élancent avec résolution
Vers des points dont ils ne semblent pas se soucier
Qu'ils soient cardinaux ou pas
Masques provocants obséquieux impériaux
Casseurs en cajoleries déguisés en abat-jour en cuillère à soupe
Voire en vide-poches
Devenus tube de moutarde pompe à bicyclette rayon de phare
Ou vilebrequin ils galvanisent de leurs inlassables inventions
Les dessous de la fête urbanisée
La jupe-soleil se gonfle à contre vent pour retomber en cascade
Dans l'ombre des cours la jupe-fourreau fend le fruit sûr des vasques
Avec un chuintement de porte apprivoisée enfin
Les derniers petits pavés sortis du siècle refermé où on les cache méchamment
Profitent de l'allégresse générale pour sauter sur leur trottinette
Et aller se gaver de pâtisserie dans la boutique la mieux éclairée
Leurs plaisanteries mordent les grandes écolières gourmandes
Qui se sentant devenir femmes oublient leurs cartables
Mains libres elles vont gratter l'écorce des platanes
Semer des radis sur le pas des portes
Offrir aux passants l'osier à bourgeons roses
Aux terrasses des cafés la guerre des tables contre les guéridons
Engendre d'héroïques mimétismes les soucoupes
Ressemblent aux chapeaux les bouteilles se font flûtes
Les chaises escamotent leurs pieds pour égaler le héron
S'asseyent dans la paille à la façon des oeufs
Ou grimpent sur les épaules des joueurs de cartes
Pour obtenir les friandises réservées aux singes
Des dames de bourgeoisie libérale aux décolletés d'hétaïres
Cuisses haut croisées à la dernière mode
Figurent des corbeilles à papier et se font vider par le pompier de service
Tout pareil dans son zèle à un arbre de Noël
Sous la statue du cheval à bec de lièvre
Un tribunal d'oursins poursuit ses recherches esthétiques
Faut il demande le glapissant du jour
Considérer le poivre rouge comme préférable à l'écumoire
Dans l'élevage des cravates
La discussion continue longtemps après le départ du cheval
Il a l'intention de changer son bec rongeur
Contre un bec d'aigle que sa naïveté lui présente
Plus propre que tout autre à séparer la nuit du jour
Gainé dans la foule pulpeuse il ne tarde pas
À changer de projet preuve dit son oreille pointue
Que la vie en société est aussi comestible que le granit
À hauteur de tête des vols de nappes
Vrillent leurs bruissements de mariées de monnaies
D'écrevisses dans un sac comme si l'air
Était une vieille armoire la ville une plage de paille
Personne cependant n'est chaussé de pantoufles
Même les échelles qui çà et là dominent le flot
Ont négligé cette précaution tout au plus justifiée
Sur la piste trop inclinée d'un cirque
Joyeux et prompt l'homme capture la première nappe rouge
Qui passe à sa portée la troue an centre à belles dents
Puis attend juché sur une chaise qui s'est faite piano
La prochaine jolie brune pour la naturaliser mexicaine
Vif comme bouton de corsage mais fort comme le grand bénitier d’Arabie
Le piano soulève et rabat son couvercle
C'est en joueur de rugby que l'homme
Arrive dans les jambes de la brune
Tandis que la nappe reprend son vol de seiche

Le pont basculant avait pour métier de peser les bateaux
Il n'a pas attendu la retraite pour flamber son avoir
Plus un quartier de maisons de bois
Il est parti au fil de l'eau en coupant les méandres
Hongreur ivre tablier par-dessus les moulins
Au terme de son voyage il a loué un établissement de bains
Les filles désentravées griffent le sable et jouent
D'aval en amont
À lave oh lave donc
Elles lavent les panoplies au givre les châtaignes au lait cru
Elles lavent les tabourets dans la farine
Les rosiers dans une timbale les étagères au lierre terrestre
Leurs genoux sur un escalier mécanique
Les mains des garçons avec le céleri-branche
Les fins d'après-midi à la confiture de mûres
Les chandails au charbon de bois les serpents en trois coups de brosse
Les petits paniers entre bois et écorce
Le pont lui-même sous les courtines d'un lit
Emprunté au musée de Quimper
Lave que veux-tu crie la laveuse de cartes
Jetant la pierre ponce à lustrer les martingales
Contre la vitrine du marchand de cerneaux
Signal obéi de la fin du jeu

Avec une épine malicieuse comme le pli de l'aine
D'une fille très brune un sabot de bois
Débrouille un écheveau panlogique
Pour exposer à un chat jaune le principe de causalité latérale
Il s'étend longuement sur l'ascendance
Et la descendance du lucane cerf-volant
Qui durant l'avant-dernière guerre a procuré aux belligérants tricolores
Le char de combat et aux incolores le gaz d'allumage
Mais il ne dit point que pour divers peuples
Lune est un personnage masculin
Quand le chat débonnaire mais lucide
Suppose que le placard de cette argumentation
Va se refermer comme une tabatière du XVIIIe
Le sectaire déploie une toile peinte aux couleurs de son ambition
Ce tableau qui imite le dessin des murailles
Par sa facture le chocolat au lait par sa densité
A visiblement été conçu de nuit
Pour tenter de prouver que les arbres sont fautifs d'avoir tant de racines
N'empêche que la salade est faite comme la pluie
Que nul ne peut séparer les escargots du paysage
Qui tourne autour des muets et des bavards
À la façon du papier peint d'une chambre d'hôtel
Que l'homme accompagné de ses dix doigts
Marche sur ses pieds ou sur ses mains
Que le crépuscule jongle avec les petits cailloux
Dans un silence de verres cassés
Que l'arbre lame après lame assemble l'aire de danse
Tandis que par vents et chemins
Les fourmilières cherchent le passage entre veille et sommeil

La fumée des cigarettes forme dans la nuit
Un peuple de lémures bienveillants
Ils racontent de bouges en salons des histoires
Qui sont toujours au futur et ne finissent pas
Un Indien marchera sur un serpent dans une ville européenne
Le serpent subtilisera la montre d'un agent de police
Pour la donner à un gamin qui fera l'école buissonnière
Les buissons seront transportés à grands frais
Par convoi hors gabarit mais l'écolier
Les dédaignera pour aller jouer sur les voies de la gare de triage
Sous un wagon plate-forme il rencontrera un renard
Qui le conduira chez une cartomancienne
La dame après avoir regardé dans sa boule de verre
Leur donnera un passe-partout pour visiter les musées
Fermés le mardi et les châteaux dont les propriétaires
Archéologues ou trafiquants sont partis pour le Mexique
Une hutte de charbonnier couverte de neige
S'ouvrira comme un dessous de plat à musique
Il en sortira une théorie d'étudiantes en pomologie
Chargées d'instruments à cordes ou à percussion
Qui s'en iront de village en village
Proposer leurs services aux populations indifférentes
Elles parviendront ainsi jusqu'au bord d'un grand fleuve
Les bateliers officieux leur demanderont par gestes
De monter à bord pour aller voir la mer
Celles qui accepteront deviendront plus tard
Tavernières gardiennes de phares trapézistes professeurs
Les autres prendront un train omnibus qui au treizième arrêt
Les débarquera dans une métropole provinciale
Ravagée par l'insomnie
Elles visiteront les greniers à la recherche de la graine de parasol
Elles ouvriront un gymnase où les insomniaques
Accompagnés de leurs perroquets viendront cuire des oranges à la broche
Emmailloter des momies factices épiler des tapis
L'épidémie conjurée les étudiantes repartiront
Sur les bicycles d'honneur que le bourgmestre leur offrira

Des inconnus découperont à la scie bleue la statue équestre
De Louis XIV et les balles de laine d'un marchand de gros
Les morceaux en forme de calissons feront des balançoires
Pour les marmots tandis que les biscornus
Traités clandestinement plus sous patente régulière
Donneront naissance à l'industrie métallurgico-lainière
Qui éteindra le chômage pendant sept décennies
Leur coup perpétré les bien ou malfaiteurs fileront
Vers un lointain pays sous-alimenté
Où les naturels les reconnaîtront pour les envoyés
De l'évidence
Les porteront en triomphe un jour d'orage
Puis leur offriront du travail dans les ruches lacustres
Une tourte de pain bis fera de la fausse monnaie à son image
Ses louis en rondelles de bâtons de chaises
Circuleront comme des petits pains obligeant les autorités
À établir des sens uniques à l'entrée des restaurants
Des pissotières et des pagodes ce qui engendrera
Des troubles de caractère chez les habitants des maisons voisines
Les pères de famille bien pourvus déshériteront leurs enfants
Au profit des serveuses de bar ou des conducteurs d'autobus
Les ouvrières en confection coudront des robes sans ouvertures
Ce qui obligera les clientes d'en acheter deux
Pour les assembler bord à bord
Un fabricant de mégots après quarante ans de labeur
Se dégoûtera de l'odeur de sa marchandise
Et ira cultiver des endives dans la cave de l'immeuble
Le vin de plusieurs locataires en sera gâté

Quoi qu'on ait dit l'hermine est une bête qui existe
Sortant pour folâtrer des galeries qu'elle ramifie à fleur de terre
Elle s'achoppe contre un moteur agricole qui ronfle
Comme un personnage de l'Ancien Testament
Ailleurs c'est une musique militaire qui se console
D'avoir perdu son régiment en jouant des valses
Un sanglier qui beurre son sandwich en sifflotant
Un sopha vêtu d'Aubusson ancien qui crève de dépit
Près d'une mare à toiture de zinc où les têtards
Ont la sentencieuse majesté des maîtres d'hôtel dans un palace
L'hermine ne sait que penser de ces obstacles énigmatiques

L'homme a quitté la fête muni d'un candélabre
Il va par la campagne avec l'assurance
Du homard savant qui dévide un peloton de fil capsule
Il parvient à un château de fière allure
Les murs bois et pierre alternés comme aux remparts d'Alésia Ont bien trente mètres de haut les tours davantage
Utilisant son luminaire avec l'habileté du tonnelier
Qui manie la tarière il ne découvre aucune ouverture
Après trois rondes attentives pressé par la lune dont le lever approche
L'homme reprend sa course rectiligne spéculant
Sur les façons des châtelains vont-ils par un souterrain
Ou en volant par les cours intérieures
Tout simplement une poutre est-elle à secret

Un enfant de onze ans est pris dans un égout jouant aux éponges
Avec un singe à queue préhensile
Au commissariat l'enfant se tait le singe parle beaucoup
Dans une langue qu’aucun des interprètes de la ville
Ne peut comprendre

À grand renfort de vallées collines châteaux vignobles
Manufactures routes goudronnées à festons de platanes
Chaînes enneigées pour boucler l'horizon le panorama
D'hélicoptère a beau se rouler comme un cheval bleu
Dans les moissons d'automne il ne réussira pas
À distraire trois grains de sable à l'entrée d'une grotte
Premier plan premier plan dit un corbeau
Sur son tambour car il croit de son devoir
De tirer les rideaux entre l'écaille des ablettes
Et les trous d’eau noire où somnole l'anguille
Les trois grains appartiennent au club des chercheurs de raisons
Ils n'ont pas trouvé pourquoi les timbres-poste
Ont tant de haine pour les brosses à dents pourquoi
La chaux vive exhale certaines nuits une odeur de papier froissé
Pourquoi le hibou ne joue pas à la manille aux enchères
Pourquoi les râteaux hésitent toujours
Avant de descendre un escalier pourquoi les portes cochères
Ne respectent pas le dimanche tandis que les nouilles
Étudient la table de multiplication sans qu'on le leur demande
Ils n'ont pas davantage réussi à savoir pourquoi les femmes
Balancent si longtemps entre soleil et dentelle
Encore moins comment elles réussissent à choisir
Ni même si elles se décident jamais
Ils n'ont pas découvert pourquoi les topinambours
Ressemblent au marc de café pourquoi les papillons
Ne mangent pas d'huîtres même pour Mardi-gras
Pourquoi l'homme qui a croisé un léopard
Ne bat pas forcément sa femme le lendemain
Ils n'ont pas appris des abeilles pourquoi la neige
Couche avec le sept de cœur chaque fois qu'elle en a l'occasion
Ils ne savent pas encore pourquoi la bruyère
N’a pas exterminé le drap d’Elbeuf malgré tant d’entrevues favorables
Pourquoi les champignons les plus silencieux
Rendent la parole contagieuse mais ils le demanderont
À tous et à eux-mêmes jusqu’à plus soif

Comment savoir à chaque heure du jour si le feu
Qu’un bâton torturé par l’archet fore dans le billot docile
Sera plus vif que la cigogne plus expansif que la danse des roseaux
L’homme ne peut dormir sous la voûte marine des prairies
Ni hacher de flèches les lambris de la place du marché
Quand les geais avec leur bagout de vrais dollars monégasques
Dépiautent la blonde fille du facteur la brune du cantonnier
Elles vont cacher leur nudité dans la fontaine
Tandis que leurs rires de claquettes éclairent les porches côté ombre
Puis repartent à petits pas roulés dans des affiches électorales
Canélonis nocturnes pour plusieurs mémoires
Ma faim gonfle son jabot de trirème
Ses pieds lapent le pavé avec l’autorité circonspecte
Du prédateur sur son terrain nul ne viendrait
Lui contester les entrailles de l’espace la floraison
Quadruple de la plume et du poil mais le danger
Frise les herbes sur son passage
Ses mains sont occupées d’un écheveau récalcitrant
Boue pétrifiée paroles à triple sens vin répandu
Contes oubliés draps pendus aux balcons poème impair
C’est le temps de partir les termitières attendent la hache
Les saules se préparent à refermer leur gueule
Sur les oies migratrices le dromadaire rumine
Une vengeance ou un voyage au long cours
La folle avoine se gausse de l’épeautre
Avec des gestes de fin de bal sous l’émeraude des étoiles

Atteler deux oranges pour ouvrir une galerie
Dans un brouillard de moulins à poivre qui grincent
Comme des bottes de paille sous l’aile d’une chauve-souris
Est de coutume dans ce canton où la cécité volontaire
Se rencontre aussi souvent que la brique à oreilles tombantes
Le concurrent ainsi parvenu à quelque galetas écarté
Tord sa crinière en caméléon gigogne et détaille
La première poutre venue en lames de tarot
Figurant les étapes de sa vie postérieure
Plus loin la tenancière d’un élevage de chiens maigres
Secoue les cornues d’un orfèvre sur les nageoires d’un moine
Sans obtenir la sortie des jambons fumants
Clapis dans la chaudière d’un coupé de la série verte
L'opération qui dégage un bruit de quincaillerie
Déballée au petit matin sur le quai d'un port de cabotage
Dure tant que la rose rouge se fait les ongles

La barrière d'une colonie de revendeurs en toits et grappins
Est assaillie par une troupe d'échalas montés
Dont l'arme offensive favorite est le strapontin
Chevaucheurs impavides ils rebroussent l'aplomb des murailles
La déclivité des terrils comme d'autres se rasent les favoris
Les servants de la balance et du périscope
Abasourdis par un tel manque de gravité
Coltinent des monceaux de toisons en suint vers le centre de leur ville
Rabotent à vif les arbres de leurs avenues
Écrêtent un coq par maison répandent du sel
Sur les trottoirs simulant ainsi l'effervescence
D'un peuple de chasseurs forestiers mangeurs d'insectes
Stratagème naïf aussi bien articulé que les pattes
De la mante religieuse
Les turbulents vident leurs outres saluent du petit doigt
Renoncent à leur réputation en échange d'un quart d'heure de sommeil
Sans autres frais

Que ma démarche soit un temps suspendue lacet rompu
Ou chevreuil doux comme une route à flanc de volcan
La profusion des trous de mémoire découpés à l'emporte-moi bien
Ne cesse pour autant d'écailler le langage des oiseaux
Ce sont fragments de gratte-ciel parmi les jonquilles
Brindilles de câbles sous-marins mangeurs de jupons
Épaves de percolateurs à cuire les tubercules
Dont on a fait des frayères à poissons-voilures
Ou des abreuvoirs pour phrénologues barbus
Des rince-museaux électrifiés débitent des cartes postales
En relief mou qui décrivent avec luxe de bazar
Les galeries où les larves du longicorne bleuâtre
Dansaient naguère la double dodue
On s'y retrouve adolescent analphabète la main
Dans la main d'une démonstratrice impérieuse
Caparaçonnée dans l'empois de sa blouse rituelle
En un recoin de murs à joints vifs l'eau dormante
D'un réservoir hexagonal est battue toutes les heures
Par un moulinet à pales de corail balancé sur un tube creux
Où circule la sève d'érable
Des rassemblements de gyroscopes domestiques
Claquent du battoir à salade s'enroulent et se dénouent
Comme une foule de premier mai au passage des gardes mobiles
Précurseurs du passé ils voudraient arbitrer ou disséquer
Ou endosser peu leur chaut à quel titre le pas à pas
De chacun hors leur tribu l'échec perpétuel de ce toupet
Les fait hargner l'un contre l’autre quand ce n'est
Sabler leur propre ronron
Séquelle d'ivrognerie la fleur en pot
Nommée as-tu-vu-ça lance des noisettes
À bras cassé en gonflant ses joues comme un boudin
Qui encourage un coureur cycliste

Le philosophe mord dans une pomme pendant qu'un météore
Égrène dans la haute atmosphère les couleurs du prisme
La blanchisseuse pense à autre chose en repassant les dentelles
Plumetis bouillons volants d'un ostensoir féminin
Son fer a les grâces printanières du serpent sur l'herbe fine
Le lamaneur de terre ferme conduit un éléphant
Hors des ruelles sombres vers les places nanties d'obélisques
Il salue de sa crécelle les dinandiers et les putains
Les décorateurs ventriloques rampent comme le salpêtre
Puis voltigent comme papiers brûlés pour vêtir leur clientèle
De lampas fausse clairière avec poste à feu
Pour la chasse à l'espère incapables de convaincre
Le moindre poussin peureux de se maquiller en tournesol
Les puisatiers de l'ordre inverse dressent chèvres et palans
Pour couronner les maisons habitables de gerbiers
Piriformes en fagots de chêne feuillu
L'équipage d'un remorqueur élingue des statues
Bronze ou marbre des camions chargés de figues
Des blocs de sel des roulottes bâchées de gazon
Un artificier sur son échelle double gorge un baril
D'allumettes à deux têtes une équipe de tanneurs
Exerce sa dextérité proverbiale en jappant comme un seul homme
Des compagnons zingueurs fabriquent des tourterelles
Sous les yeux du public
Un tourneur de cierges réduit au chômage apprend à découper
Des pommes cuites dans les portes des vieilles armoires de velours
L'horloger profite du grand soleil
Pour cacheter ses pots de sciure à grains élastiques
Le souffleur de pinceaux comme le ramoneur de légumes
Préfère opérer sous la lumière artificielle
Ces discrètes prétentions exaspèrent le zèle des madelonnettes
Qui de leur cornet à langoustines tiennent le ménage des célibataires
Les poseurs de trappes promènent leurs élèves
Au bout d'une longue ficelle en attendant
Qu'on les hèle des étages car ils refusent de poser
Au niveau de la rue pour la sécurité des familles
Explique un dicton de leur métier

Avec un balancier à moteur électronique dernier modèle
Les écailleurs percent les troncs des platanes sur la place
De plusieurs villages gavés de moineaux à tête rouge
Un scaphandrier solitaire gravit la colline rocailleuse
La sueur entre peau et scaphandre arrive déjà
Au-dessus des chevilles tandis que le pollen des iris
Saupoudre finement le casque de ce phoque humain
Un équipement perfectionné lui permet de suivre
La partie de boules qui oppose les champions
Des avaleurs de cigares à ceux des plumeurs de dindes
Mais un mauvais sifflet dans la tripaille acoustique
Lui interdit de donner des conseils aux uns ou aux autres
Oubliant ces salauds d'ingénieurs il pense
Aux questions des journalistes sur son journal intime
Les effeuilleuses menacées de chômage
Par l'œillet triple et la rose chou
Cherchent à grand esclandre un terrain propice
À l'élevage du noyau si demandé par les nations scandinaves
Un cueilleur de serpents plus silencieux que de coutume
Ramasse de l'oseille dans un jardin abandonné
Il surprend une gamine montrant à sa compagne
Sa poitrine de lilas qui a poussé pendant l'hiver
Dans la chaleur des greniers les ménagères désœuvrées
Rangent des coquilles des coffrets d'ivoire des graines de radis noirs
Des plaquettes de tourbe des oignons à fleurs des agates
Bien d'autres encore dont l'instable présent touche
Au souvenir ou à l'avenir leurs rires
Traversent les tuiles avec un bruissement de papier doré
Le clappement de leurs pieds nus raconte un naufrage

Passant se dit d'un quidam comme des bestiaux héraldiques
En passant air de rien bouches entr'ouvertes ce sont filles
Parées vrais navires d'autrefois toute la terre
Dunes routes à plusieurs voies forêts marchés au poisson
Boulevards ombragés glaciers boutiques calamistrées ports
Plaines de blé autobus urbains marais coassants
Gares de pleine nuit sentiers de feuilles stades cafés de village
Décombres dans les dimanches de banlieue
Monde inconnu soudain reconnu souffle coupé
De bout en bout d'ouragan à pommiers en fleur
Fleurs chant aigu vire au rouge à flanc de corsage
Falaises piégées aux dentelles prairies tondues au feu de bois
Arbres gonflés de sang lumière en grandes écales

Il y en a qui parlent d'oublier et oublient purs voyeurs
Ce n'est pas raison si les bornes fontaines
Ont disparu comme les cerises gorge de pigeon
Un voyant rouge s'allume le plus ahuri sait
Que le moteur est en danger aucun argument
Inventé coup sec ou ressassé de longue date
Comme si pourtant si tout l'entraînement
De la mécanique mentale ne peut d'un souvenir
Extraire une balle de sureau et sa charge
Négative ou positive la carte postale représente
Un temple grec sur fond de mer
Seul le vent ne figure pas sur l'image
Seule sa voix résonne dans la conque visionnaire
D'un soir pareil à tous les autres
Pareil à la rainette grise sœur de la rainette verte
Un été sec plus rien les philosophes parlent de destinée
Un abri rocher creux arbre du même nom
Sera-t-il exemple pour l'aurore d'un sourire
Autre année autres tempêtes avec ou pas
Abondance de hannetons ce n’est plus l'écolier
Mais la télévision qui parle absence de
Mais paroles quand même poumons natatoires
Vessies de porc lanternes théologales
Et autres
Baraque illuminée tapage diurne et nocturne
À l'enseigne du crâne vide nommé âme
Nommer dénommer vraies couilles de papier mâché
À côté d'un cadavre nommé carcasse
Quand c'est d'un cheval dépouille mortelle
Si d'un soldat ou d'un prêtre
Picador foutu métier